Jean Mandelbaum (1938 – 2011)
« Il est des personnalités qui, dès le premier contact, intriguent et subjuguent.
Jean Mandelbaum était de ceux-là.
J’ai eu le privilège de travailler avec lui pendant plus de vingt ans, presque quotidiennement.
C’était l’esprit le plus libre qui soit.
Il rejetait les lieux communs, refusait la pensée unique, le consensus mou, le compromis apparent.
Il pensait par lui-même, jugeait les évènements avec lucidité, quitte à choquer.
Cette liberté de pensée est un des fondements de « Rencontres et Echanges » : écouter toutes les voix, les plus diverses et même celles qui sont à l’opposé de ce qui est admis, de ce qu’il pensait lui-même.
Il faisait sienne cette belle formule attribuée tantôt à Voltaire, tantôt à Beaumarchais ; « je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je me battrai pour que vous puissiez le dire ».
Respecter l’opinion de chacun, oui, mais ensuite la soumettre à un questionnement impitoyable.
Il n’était pas « gentil » et acceptait de déplaire. La brusquerie de ses propos était la contrepartie de la justesse de ses analyses.
Dans les dîners « Rencontres et Echanges », l’ordre régnait, par respect pour l’invité et parce ce que c’était bien pour tous. L’écoute est l’essentiel, avant l’expression de ses propres idées. La critique doit céder le pas aux seules questions. Il usait de son autorité naturelle pour imposer une discipline que chacun admettait car il en comprenait l’utilité
Les débats devaient être courtois et tranquilles mais Jean Mandelbaum avait une exceptionnelle capacité à rebondir, à s’appuyer sur la dernière parole prononcée pour relancer la discussion.
Son agilité intellectuelle forçait l’admiration, à commencer par celle des invités, des hommes exceptionnels pourtant habitués aux interviews et aux débats. Ce sont eux qui partaient le plus satisfait de la soirée, car ils avaient vécu une soirée différente et le disaient.
Ses proches ont décidé de prolonger son œuvre. Ils ont raison. Ils le feront, à leur manière mais l’ombre de Jean sera au-dessus de leur tête pour les enjoindre d’être à la hauteur, à sa hauteur. »
Daniel Haber